Une retraite avec ses élèves, est-ce encore possible ?
Avez-vous déjà rêvé de partir en retraite scolaire avec vos élèves ?
Et si vous n’y avez pas songé, peut-être avez-vous déjà entendu parler de ce genre d’initiatives dans une autre école et seriez-vous curieux de savoir comment elles s’organisent, comment elles se préparent ?
Ou encore, vous aimeriez proposer ce projet dans votre école, mais vous êtes à court d’idées, vous ne savez pas s’il existe des structures, des lieux d’accueil qui vous permettraient de vivre cela avec vos élèves ?
Pas de panique, nous avons pensé à vous ! À travers ce dossier consacré aux retraites scolaires, vous découvrirez les témoignages de professeurs et d’animateurs qui, en lien avec différents lieux de retraites, vous partagent leurs expériences et leur conviction profonde que ces moments sont essentiels dans le parcours d’un jeune.
Kristina Koethe, membre du service de la pastorale scolaire secondaire du diocèse de Tournai pourra aussi vous aider dans votre démarche. Pour la joindre : kristina.koethe@live.be
Plan de l'article
1. Deux expériences de retraites spirituelles d'une semaine (notamment à Taizé), à l'Institut Saint-André de Ramegnies-Chin
préparer les cœurs. Une retraite dans la durée. Des relations nouvelles. Quelque chose qui continue... Lire les témoignages
2. Quelques réflexions sur les retraites proposées en rhéto au Collège Saint-Stanislas de Mons
3. Une retraite à la Maison diocésaine de Bonne-Espérance (3 jours)
1. Deux expériences de retraites spirituelles d'une semaine (notamment à Taizé), à l'Institut Saint-André de Ramegnies-Chin
Cela fait maintenant 7 ans que j’ai l’occasion de partager un temps de retraite spirituelle avec des élèves de 6e secondaire. Pourtant, partir quelques jours dans un monastère avec des jeunes de 17-18 ans ne va pas de soi, ni pour eux ni pour les accompagnateurs…
Préalables
Pour ne pas se tromper dans la réception de cette démarche, il convient de préparer les jeunes. Pour cela, il me semble que le cours de religion est le lieu par excellence pour poser les fondements de cette expérience. La porte d’entrée spirituelle, bien qu’évidente et centrale pour l’accompagnateur, ne va pas du tout de soi pour le jeune. Aussi est-il essentiel de donner un cadre ouvert où le jeune puisse se sentir à l’aise d’avoir ses propres conceptions a priori, sa liberté de conviction et sa possibilité d’entrer en dialogue critique tant avec ses pairs qu’avec les interlocuteurs consacrés ou autres intervenants croyants.
Ceci étant dit, se poser la question du « pourquoi part-on en retraite ? » est évidemment centrale. Il est important de lier cette démarche avec le chemin de croissance et de recherche dans lequel le jeune se situe. Les retraites proposées aux élèves[1] reposent sur le fil conducteur de la spiritualité comme chemin pour aller vers soi : se connaître, se découvrir, réfléchir avant de poser des choix qui seront les leurs dans leurs parcours d’étudiants. Ce point de départ fait sens pour eux et leur adhésion à la démarche s’en trouve renforcée. La dimension personnelle est pour eux, dans la plupart des cas, d’abord personnelle, identitaire, mais elle peut, pour certains, déboucher sur une ouverture, une disponibilité à accueillir le Christ. Pour cela, la durée est d’une importance capitale.
En effet, notre époque étant très peu tournée vers l’intériorité et les lenteurs nécessaires à l’appréhension de ce que nous sommes, il convient également de se donner du temps. Être en retrait du monde n’est pas que physique. Il ne suffit pas d’être dans un lieu ressourçant coupé de l’extérieur, encore faut-il se donner les moyens de pouvoir se laisser porter par ce qui s’y vit et se partage dans un cadre de vie plus communautaire.
Pour résumer, il m’apparaît important d’être attentif au sens donné et à la durée vécue qui sont 2 préalables incontournables.
Bienfaits
Ce préalable étant posé, les effets sont d’une grande richesse tant quantitative que qualitative. Bien qu’habitué à partager des excursions d’une journée ou plus avec des élèves, il apparaît très déroutant de vivre ce type d’expérience avec les jeunes. En effet, la nature des échanges nous rapproche ; les barrières et les rôles assignés à chacun tombent. Nous devenons frères en humanité grâce aux nombreux moments et activités partagés. Grâce à la durée de la retraite et à la participation aux activités, les masques, les résistances et autres apparats tombent pour que l’intériorité soit contactée. Des discussions d’une nature nouvelle que celles plus classiquement partagées entre enseignants et élèves animent les échanges. Les jeunes se laissent porter, des cœurs s’ouvrent, des souffrances sont libérées, des blessures exprimées. Ces moments de libération pour de nombreux jeunes sont impossibles dans le cadre de l’école ou d’une excursion à caractère culturel. Toute la retraite prend son sens dans ces moments.
Alors notre rôle d’adulte est d’accompagner, d’écouter, de conseiller ou d’éclairer, parfois. Ce n’est pas chose simple mais nos élèves en sont très reconnaissants. Très rares sont ceux qui reviennent de retraite avec un sentiment négatif [2].
D’ailleurs, la retraite ne s’arrête pas au terme de ces quelques jours. Les effets de celle-ci se font sentir au retour[3] : une plus grande connivence et une dynamique positive se mettent en place tant au sein du groupe d’élèves qu’avec les professeurs qui ont accompagné, mais aussi au sein du corps professoral. Ces moments permettent aussi de mieux se connaître et nous sortent des étiquettes collées par les matières que nous enseignons.
En conclusion, proposer une retraite spirituelle à des élèves de l’enseignement secondaire est une démarche pleine de sens et pertinente même dans le cadre du monde occidental sécularisé. À plus d’un titre, elles sont fécondes pour les jeunes qui nous sont confiés et constituent une possibilité de rencontre avec le message des Évangiles.
Stéphane Kubicki
Voici 28 ans que j'accompagne des jeunes en retraite scolaire. Services sociaux, retraites spirituelles, séjours courts et séjours plus longs ...
Observations
Les jeunes sont ouverts à la spiritualité dès lors que la retraite s'inscrit dans une démarche globale et qu'elle n'est pas plaquée par une quelconque éventuelle bonne conscience de l'école qui organise...
À partir du moment où cette activité s'est inscrite dans une démarche présentée dans le cours de religion durant lequel, le mois qui précède la retraite, le professeur aborde avec les jeunes différentes formes de démarches spirituelles à partir desquelles l'échange dans un esprit d'ouverture leur permet de comprendre que le temps que l'école leur offre pour vivre une forme d'expérience spirituelle est à saisir comme une chance... Qu'on soit croyant ou non, nous leur demandons d'accepter de jouer le jeu et d'en respecter les règles pour se donner une chance de découvrir avant d'en retirer une opinion. Donc connaître les règles avant de partir permet d'anticiper... Exemples : alcool interdit pour telle raison, offices à suivre, silence à respecter... En dehors de ces règles, beaucoup de liberté est offerte, dans la confiance et le respect .
Les services sociaux ne permettaient pas cette expérience spirituelle et nous y avons donc renoncé pour atteindre un objectif plus commun à tous les retraitants.
Lors de la retraite, les professeurs ou à autres accompagnants (il importe que ce soit des personnes réellement intéressées par la démarche) sont attentifs et ouverts à l'échange avec les jeunes... Comment vivent-ils les premiers moments ? Quelles sont leurs éventuelles interrogations ou malaises ?... Leur permettre d'exprimer les aide beaucoup à dépasser les éventuelles réticences. Ils ont besoin de temps, de compréhension, d'écoute...
Le temps, une dimension essentielle ! Pour que ce soit profitable et vécu comme une véritable expérience, nous consacrons minimum 4 jours voire 5 journées complètes sur place, à Taizé. Il ne s'agit pas d'une excursion mais bien d'une véritable expérience à vivre dans un temps suffisant pour en voir les fruits. La société de course perpétuelle, de soi-disant rentabilité et d'hyper-connexion nécessite d'offrir le temps suffisant de déconnexion pour vivre un séjour profitable spirituellement.
Pour la réussite de la démarche, l'implication des adultes qui accompagnent est indispensable. Cela permet d'aller le plus loin possible dans la réflexion avec les jeunes.
Tous savent aussi que dès leur retour à l'école on continuera d'en parler, de partager. Et on a le droit de critiquer, de ne pas être d'accord pour peu que cela soit vécu dans un esprit de véritable échange et d'ouverture, de partage.
À noter que les professeurs lâchent aussi un peu la pression pour le travail scolaire. Pas de travail, ni d'interrogations pour le lundi qui suit la retraite histoire de laisser chaque jeune digérer l'expérience seul et/ou en famille ...
Retour des jeunes
Expérience qui marque leur évolution, rapprochement entre eux et avec les adultes accompagnants, découverte d'une partie d'eux-mêmes méconnue, apprivoisement du silence et d'une certaine solitude, autre vision de la religion : c'est plus ouvert qu'on ne pensait, ou pas un embrigadement mais une liberté, ou parfois propos de religieux qui ont choqué et c'est l'occasion d'en parler.
Sur mes 28 ans d'expérience, je peux presque compter sur les doigts d'une seule main le nombre de jeunes qui ne se sont pas laissé toucher par la démarche. En général, quand ils reviennent, ils rivalisent pour défendre leur lieu de retraite qui selon eux était sûrement le meilleur. Pour cette raison, il est essentiel qu'ils aient le choix entre au moins deux lieux très différents.
Souvent je leur ai dit : « Vivez ce moment au mieux, cela peut vous apporter beaucoup et au pire, vous aurez « perdu » une petite semaine. Qu'est-ce que ça représente sur une vie entière ? Par contre, c'est à vivre au moins une fois dans sa vie, et vous ne risquez rien. Juste de découvrir ! »
Et ça marche, parce qu’on dialogue et qu'on a le droit de ne pas être d'accord.
Je pense vraiment que c'est de notre responsabilité d'éducateurs de jeunes que de leur ouvrir la porte de la spiritualité dans l'ouverture et le respect. Pas de manipulation, mais une porte ouverte qui participe à leur équilibre présent et futur.
Marie-Noëlle Polet
2. Quelques réflexions sur les retraites proposées en rhéto au Collège Saint-Stanislas de Mons
Ce texte reprend aussi bien mes impressions que celles d’élèves de rhéto. Chez nous, cependant, les retraites ne se réalisent pas classe par classe, mais par choix personnel entre une douzaine de possibilités. Chaque retraite est donc suivie par un maximum de 14 jeunes.
Les retraites sont un réel enrichissement pour les enseignants comme pour les jeunes à différents niveaux.
a) Sur le plan spirituel
la retraite permet de réfléchir sur soi-même, de penser à la façon dont on évolue sur le plan spirituel, de se positionner face à son avenir. On prend le temps de se recentrer sur soi, loin des distractions du monde.
La retraite permet de discuter plus librement de sujets que l’on n’aborde pas vraiment à l’école : la position face à Dieu, à la foi, à la spiritualité en général…
En effet, ce temps est une sorte de « bulle d’air » car on prend des distances par rapport aux réseaux sociaux, aux problèmes familiaux et scolaires. On se retrouve vraiment face à soi-même.
Voilà ce que disent les jeunes. Et nous, les accompagnateurs, nous voyons aussi d’autres facettes de nos élèves et nous nous ouvrons à eux plus en profondeur, avec beaucoup de naturel. On sent en effet un besoin chez les jeunes de découvrir le monde adulte autrement, en toute simplicité. Étrangement, les partages se passent avec beaucoup de bienveillance de part et d’autre. Les jeunes nous remercient souvent, en fin de retraite, d’avoir accepté de nous livrer aussi.
b) Sur le plan social
b. 1. La vie en groupe. Tout particulièrement, lorsqu’on réalise une retraite itinérante, on réalise l’importance du groupe quand on est fatigué et qu’on a envie de s’arrêter. La solidarité se développe. Et on découvre d’autres facettes chez ceux que l’on côtoie tous les jours. On s’aperçoit aussi qu’il est bon de s’appuyer sur les autres et qu’ils nous permettent de progresser, de nous dépasser. On apprend à vivre ensemble.
b. 2. La vie sociale dans les lieux religieux. En général, on rencontre des religieux (prêtres ou religieuses dans notre cas). Et leur témoignage permet de découvrir d’autres façons de vivre, des expériences différentes. Tous nous nous remettons en question et nous sommes amenés à poser des questions fondamentales auxquelles nous n’aurions pas pensé au quotidien.
c) Une autre façon de vivre
La retraite permet de se débarrasser de l’inutile, de découvrir qu’avec peu de choses, on peut passer des journées riches en réflexion et en amitié. On sort des diverses pollutions « physiques » et « morales » .
Joëlle Duchêne-Bonaventure
3. Une retraite à la Maison diocésaine de Bonne-Espérance (3 jours)
Lors d’une retraite à Bonne-Espérance, nous ne parlons pas (ou très peu) de religion aux élèves. Nous leur parlons de quelqu’un qui est à leur côté et qui les aime. Je pense que c’est la plus belle chose que nous pouvons leur apporter car je crois qu’Il est le seul qui pourra leur donner ce qu'ils cherchent : je veux parler du bonheur, de la paix, de la joie et de l'amour. Je suis toujours touché de voir l'impact que peut avoir une retraite de trois jours dans la relation professeur-élèves ! Souvent, les jeunes nous disent à la fin de la retraite : « Nous sommes arrivés avec notre classe et nous repartons avec une famille ». Régulièrement, les élèves remercient leurs professeurs et leur disent le bonheur d'avoir pu vivre cela avec eux, car la relation a changé : de professeur, il devient un peu leur « conseiller » et parfois même un « parent ». Malheureusement, il est de plus en plus difficile pour les professeurs d'oser se lancer dans ce genre d’aventure qui, pourtant, pourrait changer la vie relationnelle durant toute l'année scolaire.
Stephan Michiels (Membre de l’équipe d’animateurs en pastorale de la Maison diocésaine)
Les jeunes s’y succèdent mais ne se ressemblent pas…
Annonciata Uwamahoro (Membre de l’équipe d’animateurs en pastorale de la Maison diocésaine)
Un aperçu de ces retraites peut être visionné sur KTO, dans l'émission Le sens de la vie, consacré au cours de religion catholique en Belgique francophone (à partir de 43:30)
Il reste des dates pour une retraite à la Maison diocésaine de Bonne-Espérance. Pour plus d'informations : http://www.diocese-tournai.be/bonne-esperance.html
[1] Afin de permettre une meilleure adhésion au projet, notre école propose 2 lieux de retraites d’une durée différente : l’une de 4 jours/3nuits et l’autre de 6 jours/5 nuits.
Bien que la retraite soit obligatoire, la liberté accordée aux élèves dans leur choix est très importante.
[2] Au retour de retraite, nous faisons remplir, anonymenent, un petit questionnaire de satisfaction sur cette expérience, les résultats sont éloquents. Plus de 90 % des élèves conseilleraient aux futurs élèves de leur classe d’âge de partir en retraite.
[3] Notons que les retraites sont organisées en début d’année (fin septembre) pour créer une dynamique qui pourra se déployer tout au long de l’année.